J’irai par les rues sombres égorgeant vos fantômes…

Streff

Le théorème de l’assassinat de Jean Streff (éd. les âmes d’Atala) est un livre dont on ne ressort pas indemne. Une langue magnifique au service des sévices fanstasmés qu’un homme rêve d’infliger. Un nabot à la recherche du crime parfait, du supplice magnifié.
Ce n’est pas un hasard si c’est l’écrivain Claude Louis-Combet qui préface ce texte avec cette première phrase :

Il convient de se souvenir que le fils est issu du vagin ensanglanté de sa mère et qu’il a sucé le sang du sexe avant le lait des mamelles.

Lecteur tu es ainsi prévenu immédiatement du livre dans lequel tu entres même si :

L’histoire qui se raconte ici n’est pas un remake de Jack l’Eventreur. L’anecdote des meurtres y compte infiniment moins que le ressassement des motivations et l’enfoncement, traversé d’illuminations, dans la mémoire d’enfance, matrice des fantasmes et des obsessions.

On trouve en effet dans Théorème de l’assassinat des thèmes chers à Claude Louis-Combet : l’enfance, le rapport à la mort, l’inceste, le sang, la folie.
Par un jeu subtil de prise de parole entre le « je », « il », « tu », nous sommes à la fois dans la tête de l’homme qui se rêve assassin mais aussi spectateur, témoin impuissant d’un drame qui se noue. Va-t-il passer à l’acte ? Au final ce n’est plus cela qui importe, mais de découvrir le pourquoi de ce monstre en construction, de cette folie morbide prête à exploser.
Jean Streff nous emmène loin, très loin dans cette folie dérangeante, dans une perversité qui existe dans tout être humain. Et on entre dans cette valse lente, cherchant à reformer cette phrase que constituent les titres de chapitre, comme si un dernier indice pouvait s’y trouver.

Alors oui, on aime être bousculé, dérangé, choqué, parce que ce texte est poésie malgré tout, parce que l’homme peut-être complexe, malsain, fou, bourreau et victime à la fois. Et cerise des cerises : dix superbes dessins de Pierre Laillier nous offrent l’atmosphère parfaite à cette lecture.

Un court instant tu hésites, préfères-tu tuer un homme, une femme, une jeune fille, un enfant ? D’emblée tu élimines les enfants, qui sont extrêmement rares à cette heure tardive dans les rues. De toute façon tu t’en moques : l’âge, le sexe, la race, la beauté, la situation sociale, la religion de ta victime t’important peu. Ce que tu veux, c’est tuer, n’importe qui, mais tuer. Agir. Enfin.

Cet article a été rédigé pour Libfly (un grand merci à Aurélie de me l’avoir mis dans les mains) : http://www.libfly.com/le-theoreme-de-l-assassinat-jean-streff-livre-2297776.html