Charlie, observateur du monde

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Du 13 février 1931 au 16 juin 1932, Charlie Chaplin se lance dans un tour du monde, qu’il relate ensuite dans la magazine américain The Woman’s Home Companion en cinq épisodes. C’est ce texte, Mon tour du monde, que viennent de publier les très belles éditions du sonneur.

Charlie Chaplin vient de terminer Les Lumières de la ville lorsqu’il entreprend ce périple, démarrant par son pays d’origine, destination Londres. A la fois adulé des foules, invité des grands de ce monde, il retrace aussi les lieux de son enfance plutôt misérable.

Parcourant ainsi l’Europe (Berlin, Vienne, Venise, Paris, la Côte d’Azur, Biarritz, Saint-Moritz, Rome, Milan), puis l’Orient (Ceylan, Singapour, Java, Bali et le Japon), il se fait l’observateur vif de cette époque en train de se défaire. Alternant mondanités (il côtoie lords, comtes, princes, premiers ministres, politiques, artistes, scientifiques et mondains de toutes sortes) et réflexions économiques et politiques ou visites de lieux plus pauvres, ses réflexions sont toujours d’une pertinence exquise.

« Durant la saison, les amis des uns et des autres viennent passer quelques jours à Saint-Moritz : l’élite de la bonne société d’Hollywood, de Londres, de Paris, de Berlin, de New York sont bien représentées. Vous serez surpris d’apprendre cependant qu’il y a un personnage remarquable que je n’ai pas rencontré : Son Altesse royale, l’ancien prince héritier d’Allemagne. Voici comment cela s’est passé.

Un après-midi, à l’hôtel, sur le point de finir ma tasse de thé, j’entendis quelqu’un s’exclamer :

– Oh ! Voici l’ancien prince héritier d’Allemagne.

-Vraiment ? Dis-je.

Diverses idées se bousculèrent alors dans mon esprit. Pendant que j’observai Son Altesse royale sirotant son thé de Ceylan, je me rappelai le film que j’avais réalisé intitulé Charlot soldat : une comédie sur la Première Guerre mondiale, dans laquelle l’ancien prince héritier d’Allemagne tenait un rôle important. Et puis soudain, je me souvins qu’il me fallait passer un coup de fil et quittai l’hôtel sur-le-champ. »

Et c’est un bonheur d’imaginer ce « petit bonhomme » dont l’origine sociale est basse, dont les films parlent des « petits », au milieu de cette intelligentsia intellectuelle, politique et financière. Un scène de chasse à courre au sanglier est mémorable ! Son humour est là, son sens de l’observation du monde y est plus que jamais acéré et, alors qu’il navigue comme un poisson dans l’eau au milieu des plus aisés, il se nourrit de ce qui l’entoure et réalisera à son retour Les Temps modernes (1936) et le Dictateur (1940). Son analyse politique et économique est d’une actualité assez déroutante, preuve qu’en presque 80 ans, hélas, notre monde n’a pas fait tant de progrès.

La partie orientale de son voyage se fait soudain plus poétique, il tombe fou amoureux de Bali, des simples gens, de leurs chants, de leur vie. Au Japon il reste fasciné par le théâtre Kabuki-za mais aussi par la cérémonie du thé. Il lui faudra bien rentrer aux États-Unis, riche de ces expériences, et oser prendre la plume, lui l’ami de tant d’écrivains, pour les relater.

Je suis ravie d’animer une rencontre avec notamment Valérie Millet éditrice du sonneur (et traductrice de ce livre) le 6 novembre à 19h30 au Thé des écrivains 16, rue des Minimes, 75003 Paris

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affiche la voie des indés

A lire également aux éditions du sonneur, dans « la petite collection » que j’aime infiniment, La vie et l’œuvre d’un pionner du cinéma de Georges Méliès

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